lundi 4 février 2008

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J’ignore le temps qu’il fallut à la mer pour s’en aller de là
une fois qu’elle m’eut abandonné, pantelant, sur le flanc...

Mes cales avaient depuis longtemps
mangé autant de sable qu’elles pouvaient


J’ignore le temps que cela prit, mais il y eut, un jour,
de l’herbe fraiche et des moutons paissant paisiblement
au milieu des reliefs épars de ce qui avait constitué naguère
mon élégant squelette

J’ignore le temps que cela prit encore, mais il y eut, un jour,
un chêne qui montait haut et fort depuis le centre de mon être et dont la futaie eut bientôt reconquis
tout l'espace où j’avais autrefois tendu mes toiles


J’ignore finalement combien de temps passa, entre ce jour
où d’arbre que j’étais, on fit de moi ce brigand vagabond,
cette voile des mers qu’on avait appelée ‘Lily’, et ce jour
où je revins enfin, de moi-même, à être un arbre sur la terre

*

dimanche 6 janvier 2008

Il est entré, l’Hiver, il est là...
Il est entré chez moi, l’Hiver, le voilà.
Il est entré, comme chez soi, sans frapper, sans s’annoncer,
Sans utiliser la sonnette, il a tout simplement tiré la chevillette...
Comme si je l’en eus prié. 

Qui me l’a mis, ce feu... Qui l’a mis là ?
Qui me l’a mis, ce froid... Qui lui a dit d’entrer chez moi ?

Il s’est assis, justement là, l’Hiver, 
Cette nuit... dans mon fauteuil de prière.
Il s’est assis, fier comme un roi, de cette manière cavalière, 
Dans mon fauteuil de prière, sans me voir, sans s’émouvoir... 
Comme si je l’en eus prié.

Il a contemplé, l’Hiver, cette nuit-là, 
Dans l’âtre, un feu qui n’existait pas.
Au fond de son œil dansait comme le reflet d’un feu de bois 
Qui se fut trouvé là, mais sans y être, tout en me consumant l'être... 
Comme si je l’en eus prié.

Puis il a rigolé, l’Hiver, sous mon toit, 
Il s'est moqué de mon feu sans joie...
Je l’ai pris alors par le bras... Il ne faisait pas bien le poids, l'Hiver,
Devant la fournaise en moi. Je l'ai raccompagné... Il m'a prié de l'excuser...
Comme si je l’en eus prié. 

Qui me l’a mis, ce feu... Qui l’a mis là ?
Qui me l’a mis, ce froid... Qui lui a dit d’entrer chez moi ?

mardi 1 janvier 2008




J'irai très beau jusqu’au tombeau,

Avec toutes mes dents de lait...
J’irai très beau.

J'irai contre le temps, aussi frais qu'un gardon,
Hérissé comme un chardon, piquant vert et beau...
Jusqu'au tombeau.

J'irai jusqu'au bout de ma quête,
aussi vrai Que l’asticot s'entête à gravir l’abricotier...
J’irai très haut.

 Jusqu’au tombeau, n’accusant plus aucun fardeau,
Ni l’usure de la vie, ni la blessure du fruit...
J’irai très sûr.

 J'avouerai plus ou moins 30 ans, pas davantage.
Du surplus n'ayant point l'usage,
je le mettrai Sous le boisseau.

A l’heure où passent les passereaux, je me rappelle une passerelle vraiment belle qui passa l’hiver dans mon lit, mais sans vouloir y faire son nid... C’était trop beau !

 J'aurais voulu être plus sage, souffrir moins,
N'étant moi-même ici que de passage, demain,
J’irai très loin.

 A l’heure où les corbeaux se défroissent au bois,
D'effroi se courbent les squelettes, mais pas moi...
J’irai très droit.

 J'irai encore têtard, entre ces mamelles
De verdures cambrées, de terres ondulées...
J’irai très tard.

 J'irai longtemps passer dessus les passerelles,
Me faisant un collier des perles adulées...
J'irai très beau.

 Le vent porte en avant mes serments sur son dos...
Et je le suis, fidèle... à mes paroles, à mes ailes...
Jusqu'au tombeau.